Prudent, conservateur, mauvais communicateur qui n’a pas su gérer sa relation avec les cadres de son équipe et son entourage, Alain Giresse a fait perdre à la sélection une occasion en or pour aller en finale.
Comme on n’a pas hésité à l’évoquer sur ces mêmes colonnes, il a manqué aux joueurs de l’équipe de Tunisie, encore sous le coup du choc de leur élimination dans les demi-finales face au Sénégal où se mêlent injustice et amertume, l’essentiel pour remporter la médaille de bronze et terminer troisièmes dans cette CAN : la fraîcheur physique, un mental d’acier, le jeu avec les tripes et le cœur. Il a manqué aussi au sélectionneur Alain Giresse et à tout le staff technique de la sélection la bonne préparation psychologique d’une équipe au moral touché, pressée de quitter ces lieux maudits où on a tout fait pour lui mettre des bâtons dans les roues et arrêter son élan.
Il a manqué aussi à ce staff le flair et la lucidité indispensables pour aligner le meilleur onze de départ capable de surmonter ce lourd handicap moral, et de faire ce sursaut rageur de commando blessé dans son amour-propre pour prendre le dessus sur la malchance et l’injustice et prouver qu’on méritait bien plus que ce match de classement avec un autre frustré de la compétition, le Nigeria exclu dans les toutes dernières secondes par l’Algérie sur balle arrêtée. En faisant confiance à Moez Ben Chrifia, troisième sur la liste, dans les buts après le «forfait» de Moez Hassen pour des raisons de «blessure» (physique ou morale?), et en oubliant Wajdi Kechrida, Walid Ben Mohamed, Dylan Bronn sur le banc pour maintenir Drager sur le côté droit de la défense et un Oussama Haddadi émoussé et physiquement à plat sur le flanc gauche pour aligner une paire centrale Nassim Hnid-Yassine Mériah dont on peut tout dire sauf qu’elle était la formule idéale pour un match de duels très serrés et d’engagement physique; le staff technique nous a fait craindre par un tel chambardement de l’assise défensive de l’équipe qui est son point fort et la base de son équilibre un nouvel errement tactique qui pourrait nous coûter très cher.
Craintes confirmées à la vitesse de l’éclair puisque nous avons pratiquement payé cash ce stratagème mal ficelé et pas très bien mis au point avec un nouveau but gag dès la troisième minute de jeu.
Une entame de match qui ne va pas libérer et rassurer une équipe anxieuse mais qui va la plonger au contraire d’entrée dans le doute puis la résignation au fil des minutes. Alain Giresse confirme ainsi qu’il n’est pas cet entraîneur «fabricant de confiance» — dont parle Gérard Houiller — qui par ses choix, sa communication interne, ses messages, son discours remet de l’ordre dans un groupe en panne de réconfort et lui donne cette envie, cette volonté de s’appliquer sur terrain et de se donner à fond même si l’enjeu n’est plus celui qu’on a souhaité et pour lequel on est venu. Son approche de la première mi-temps a été ainsi catastrophique car avec une équipe physiquement épuisée, moralement pas très à l’aise, il fallait commencer par un bloc bas pour moins d’efforts dans le barrage et le démarquage, la récupération du ballon et la maîtrise du rythme du débat et beaucoup de prudence et assez de sécurité sur les couloirs, notamment le gauche, front d’attaque de prédilection des hommes de Gernot Rohr, et ne pas laisser ces boulevards, notamment par Drager qui a oublié qu’il est avant tout au poste de défenseur et pas celui d’attaquant sur les ailes. On aurait pu terminer la première mi-temps avec au moins un 0-0 qui aurait préservé nos chances pour mieux attaquer la deuxième. En prenant un but d’entrée, le dispositif et la stratégie en place ont volé en éclats et nous n’avions pas assez de ressources physiques, encore moins mentales, pour courir durant 87 minutes derrière le score et le renversement du cours du match et l’inversement de la tendance.
Pas de réaction
A 1 à 0, il fallait donc réagir rapidement et réaménager le système défaillant. Or, que fait Alain Giresse? Il garde son milieu à trois, n’ose pas apporter une touche beaucoup plus offensive et portée vers l’avant durant un bon bout de temps où chaque minute était précieuse et non seulement il le fait avec beaucoup de retard, mais il change simplement pour changer, poste par poste. Au lieu de sortir un demi-défensif relayeur (Chaâlali ou Sassi) et faire entrer une deuxième pointe (Chaouat aux côtés de Khénissi) pour plus de profondeur, plus de danger, plus de difficultés posées à l’adversaire dans sa zone de sécurité et d’envoyer dans la bataille un Naïm Sliti comme joueur de couloir frais qui dézone et pique constamment dans la surface, il a insisté pour le changement de Taha Yassine à son insu donnant ainsi aux Nigérians la perche et l’aubaine de souffler derrière avec moins de percussion, moins d’appels et de passes décisives dans le dos de leur charnière centrale et de continuer à se projeter vers l’avant avec, certes, moins d’empressement mais toujours avec ce souci de multiplication et de variation de percées sur les flancs qui a forcé l’équipe de Tunisie à ne pas s’aventurer à jouer haut et qui l’a empêchée de mettre de la pression, de l’intensité et de l’explosivité dans son jeu, minimisant ainsi ses chances de retour dans un match qu’elle continuait à subir sans réaction et d’égalisation dans les 90 minutes au terme desquels on aurait passé directement aux tirs au but. La fin de la rencontre sur le score de 1 à 0 n’a pas donc été surprenante et a même été logique. En ne sachant pas ajuster son management, en échouant dans son coaching, Alain Giresse a terminé la CAN en queue de poisson, confirmant qu’il n’est pas l’entraîneur des grands rendez-vous et des compétitions de haut niveau, capable d’un système de jeu qui ne fonctionne pas à un autre adapté aux imprévus, aux impondérables, aux exigences de la physionomie et du résultat d’un match qui a pris une tournure défavorable.
Confirmant aussi son image de coach conservateur en mesure «de marier la possession de balle et le pressing haut» comme l’a fait Guardiola avec le Barça avec toutes les stars sous la main. Pourtant, l’équipe de Tunisie avait dans cette CAN les talents et les ingrédients pour être audacieuse, conquérante.
Hédi JENNY